Par Justo Cruz |
Jueves, 13 de Julio de 2017 |
Quand Cuba est observée au travers du prisme idéologique du capitalisme, on assiste à des choses totalement insensées et absurdes. Mercredi dernier, le Parlement européen approuvait un accord de dialogue politique et de coopération avec La Havane, abandonnant la soi-disant Position Commune établie en 1996 à l’initiative de Jose Maria Aznar, l’ex-président espagnol le plus discrédité de l’histoire républicaine de cette nation européenne. Tout le monde sait aujourd’hui que cette position commune n’a pas été prise à l’initiative du Parlement Européen, mais qu’il était le fruit des «bonnes relations de coopération» existant de longue date entre l’ex-président espagnol, les extrémistes de droite cubains résidant dans le sud de la Floride et ses cipayes de l’Ile avec la bénédiction systématique des administrations successives de la Maison Blanche, de la CIA et du Pentagone.
C’est pourquoi les eurodéputés, comme s’ils s’excusaient face à l’entêtement du nouveau président des Etats-Unis, ont non seulement approuvé cet accord de «coopération mutuelle, de dialogue politique et de relations commerciales», mais ont aussi ratifié une résolution en annexe portant sur les «droits de l’homme», avertissant Cuba qu’en cas de non-respect de ces droits, ledit accord serait suspendu.
Ce document a été signé alors que tout européen ayant un brin de bon sens sait parfaitement que cet accord et la résolution jointe sont une imposture, qui démontre une fois de plus la duplicité morale et la politique de double langage que l’Union Européenne et le Parlement Européen ont toujours mené à l’égard de Cuba.
Si nous tenons compte du fait que la petite Ile de Cuba est restée jusqu’à ce jour le seul pays latino-américain avec lequel l’Union Européenne n’a jamais passé un tel accord, nous pouvons légitimement nous poser la question : à quoi est due une telle exceptionnalité? Cuba serait-elle le pays du continent américain où les droits de l’homme seraient le plus violés? Le peuple cubain est-il si malfaisant qu’il mériterait cette Position Commune et un blocus inhumain largement refusé par le monde entier quasiment?
Il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de participer à une rencontre organisée par le journal berlinois «Junge welt» avec un groupe de jeunes journalistes cubains qui séjournent à Berlin depuis le 26 juin. Ces jeunes journalistes avaient été invités pour la troisième fois consécutive par la Fondation Panter, proche du journal TAZ de Berlin. Nous avons fait référence à ce périodique, sa Fondation Panter et ce genre de «projets» nommés «Kuba Workshops» ainsi que ceux qui les financent et les organisent à plusieurs reprises. Il est donc inutile de s’étendre sur ce sujet.
Je ne suis pas certain que ce qui se cache derrière le projet «Kuba Workshop» apparaisse clairement aux yeux d’un certain nombre de Cubains. Lors de cette rencontre au siège du journal JW, l’un des jeunes Cubains dit qu’au cours des jours précédents, ils avaient lu l’article de Volker Hermsdorf publié dans Cuba Informacion, dans lequel le journaliste allemand avait fait allusion aux sources de financement et aux véritables intentions de «Kuba workshop». L’observation faite par le jeune journaliste cubain me fit supposer que sinon tous, du moins la majorité de ces jeunes n’avaient pas connaissance de ces informations auparavant. Il serait intéressant de savoir ce que racontent ces
messieurs de la Fondation Panter aux professionnels de l’information de Cuba pour les convaincre de venir «communiquer» à Berlin. Pour en avoir une idée, je voudrais partager avec eux et avec vous ce document du Gouvernement Fédéral.
Le rapport n°20 du Gouvernement Fédéral dit au sujet du travail politique et culturel à l’étranger à la date du 16 mars 2017, dans un paragraphe intitulé «Ouvrir des espaces au travail politique» p.14 – j’essaie de traduire textuellement- : «la politique de détente et d’amélioration des relations entre Cuba et les Etats-Unis engagée par le président Barack Obama ouvre de nouvelles perspectives de développement des relations culturelles entre Cuba et l’Allemagne. Le Ministère des Relations extérieures apporte sa contribution en vue d’une ouverture progressive de Cuba grâce au renforcement des relations culturelles avec l’Ile. Une visite à Cuba en 2016 a permis de poursuivre des négociations en vue d’un Accord culturel dont l’objectif est de parvenir à établir une base de confiance. A cet effet, le développement de projets aide à préparer le terrain : nous soutenons par exemple, en collaboration avec la «Cuban-European Youth Academy» de la Fondation Neueman la réalisation d’exposition d’artistes cubains en Allemagne. Un «Workshop» organisé par la Fondation Panter et financé par notre Ministère des Relations Extérieures contribue également à obtenir une ouverture dans les médias d’information, secteur strictement réglementé à Cuba».
Il est très important de mettre l’accent sur le fait que, d’après ce rapport, les pays qui semblent le plus préoccuper certains membres du gouvernement fédéral allemand lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une politique extérieure d’ingérence ou de donner des leçons de démocratie, de liberté de presse et d’expression, sont la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite et Cuba. Il est plus qu’évident qu’ils utilisent le journal TAZ et sa Fondation Panter pour atteindre leurs objectifs. Il faut le dire haut et fort pour qu’ils ne s’imaginent pas avoir à faire à des imberbes (inexpérimentés?) et des analphabètes.
Les jeunes journalistes cubains paraissent faire l’objet de la même «exclusivité» de la part des politiques allemands que Cuba de la part du Parlement européen. Il faut rester sur ses gardes devant un tel luxe d’exclusivité. La manière sournoise et manipulatrice dont agissent ces arrogants euro-egocentristes pour imposer leurs intérêts géopolitiques, jugeant sur la base de normes qu’ils dictent eux-mêmes, distordant et manipulant le contexte social et culturel de pays situés sous d’autres latitudes, est proprement abominable. Ils nous invitent à des réunions pour faire étalage de leur niveau de vie si élevé qu’il en devient excessif, comme s’il s’agissait du résultat de leur propre réussite et paraissant ignorer que cette supériorité n’a pu être obtenue qu’aux dépens du bien-être d’autres cultures.
En lisant la liste nominative des membres de la petite délégation de jeunes journalistes Cubains, on est surpris de constater que la plupart d’entre eux publient dans des journaux comme «El Toque», «On Cuba», «Periodismo de Brrio», «El Estornudo», «Diario de Cuba». Le fait que lorsque les médias allemands, le journal TAZ y compris, font référence aux médias dits «indépendants» de Cuba en mentionnant ces mêmes journaux, feignant traîtreusement d’ignorer l’existence d’autres blogs cubains de qualité, est révélateur. Mais ce sont ces journaux qui les intéressent. Cette fois-ci, ils ont invité trois journalistes de médias d’état, afin de donner une image de pluralité et de diversité, l’objectif étant de les «mélanger» aux autres afin de tirer profit des relations chaleureuses susceptibles de s’établir entre eux après un séjour de deux semaines «en famille» , dans des terres lointaines de liberté», ce dans l’espoir qu’une fois de retour à Cuba des liens d’amitié, indispensables pour atteindre les objectif décrits par le Ministère des Relations Extérieures allemand, se renforcent. Je crois qu’ils sous-estiment la jeunesse cubaine.
Il faut reconnaître qu’on leur a préparé un bon programme, intéressant et varié. Deux médias de gauche ont également été invités, servant d’ alibi pour donner une image de diversité et de pluralité à leur action. Une rencontre avec le chef de programmation en espagnol de la «Deutsche Welle», (DW), a été organisée. C’aurait été bien de conseiller aux jeunes journalistes cubains de jeter un coup d’œil sur la page web de la DW en espagnol, sur Facebook, et à ses programmes sur le Venezuela. La DW consacre beaucoup de temps à Cuba, surtout aux soi-disant opposants cubains, leur «dissidente» préférée étant Yoani Sanchez et son programme particulier dont je préfère ne pas me rappeler le titre. Son contrat de travail a d’ailleurs été prolongé jusqu’à fin 2017. C’est le gouvernement fédéral qui la rémunère ; pour ce faire, ils ont de l’argent en trop. Selon un rapport financier du parlement allemand, la DW a reçu la somme astronomique de 325millions d’euros pour l’année en cours.
En parlant de la DW, je me souviens d’une conversation que j’ai eue avec l’un de ses employés il y a quelques mois, au cours de laquelle nous lui avons suggéré d’organiser un débat avec Iroel Sanchez, profitant de son passage à Berlin. La réponse fut éloquente mais catégorique : nous le recevrons avec plaisir, nous lui montrerons nos installations, nous lui donnerons la possibilité d’assister à l’une de nos réunions de travail en qualité d’observateur, mais nous n’aurons pas le temps à lui accorder pour un débat. Nous n’avons évidemment pas accepté cette proposition.
Ils font exactement la même chose avec les journalistes cubains, surtout les «officiels», comme ils les cataloguent. Des promenades, des conversations, des rencontres à portes fermées pour la plupart, un tutoiement familier pour donner une impression de braves et amicaux professionnels de l’information allemands. Mais jamais aucune opportunité d’entrer en contact direct avec le public allemand aux heures d’audience.
Imaginez si des jeunes journalistes talentueux comme nous en avons à Cuba avaient les mêmes opportunités que les «indépendants» d’utiliser les médias européens pour donner une vision différente de Cuba, depuis Cuba même… Un débat avec Reporters Sans Frontières (RSF), autres financeurs de ce projet, a également eu lieu. Mais personne ne leur fait plus confiance, surtout après avoir appris qui les avait formé et pour quoi faire. L’une des activités les plus «intéressantes» organisée pour les jeunes journalistes cubains a été la visite du Musée/Archives de la STASI (ancien organes de sécurité d’Etat de l’ex-RDA). Cela m’intéresserait beaucoup de savoir quelles fables leur ont été racontées à cette occasion…Le pire qui a pu leur arriver est d’avoir rencontré un «cubain» qui passe parfois par là en mentant comme un arracheur de dents.
Durant la rencontre avec les jeunes journalistes cubains dans les locaux de «Junge Welt», nous avons tous été impressionnés par leur niveau de professionnalisme et d’éducation. La manière claire et précise avec laquelle ils exposèrent leurs critères, leur sérieux, leur culture et leur professionnalisme, malgré «les circonstances et la distance» , ils le doivent à cette très importante école qu’est la Révolution, je le dis haut et fort.
Hier soir s’est déroulée l’activité de clôture du «Workshop», qui est toujours organisé dans le TAZ-Café de Berlin, seule et unique occasion pour les membres de ce genre de délégations de «débattre» directement avec le public allemand. Je reconnais que je m’y rendis rempli de préjugés. J’avais déjà assisté au dernier «débat» de ce Café et j’en étais ressorti très déçu, mais cette fois-ci ce ne fut heureusement pas le cas. Car la différence entre le groupe précédent et celui de cette année était de taille, dès le début. Les trois panelistes cubains choisis à cette occasion n’auraient pu être meilleurs, clairs, précis, sincères, compétents, révolutionnaires. Ils parlèrent de Fidel, de Raul et de l’avenir qu’ils veulent pour Cuba. Ils donnèrent leur point de vue sur le 17 décembre, sur l’importance de la restitution à Guantanamo de sa baie, les effets et les conséquences de l’injuste et inhumain blocus
imposé à Cuba et sur la souveraineté nationale. Ils exprimèrent aussi leurs inquiétudes, leurs préoccupations et leurs désirs concernant la pratique d’un journalisme de meilleure qualité et plus engagé. Pour moi, cela fut une leçon sur la manière dont on peut utiliser une plateforme ennemie pour énoncer des vérités. Les autres jeunes présents dans le public ont exposé leurs critères (méthodes? Conceptions? Théories? de la même manière. Pendant que je savourais le spectacle, me revint en mémoire un dicton qui parle d’un tir qui sort de la culasse (?). Tout paraissait se dérouler à la perfection (todo y pan hecho?) quand je le remarquai, «lui», le plus «éloquent» de tous, celui qu’ils ont payé pour publier des mensonges dans ce «journal» soi-disant «de Cuba». Il parlait comme s’il récitait un texte appris par cœur de longue date. Le plus triste dans l’histoire est que le modérateur lui permit, comme d’habitude, de prendre la parole en dernier. Son venin (intox?) en atteignit quelques-uns, mais pas tous j’espère.
Je n’oublierai pas les mots d’un des jeunes journalistes avec lequel j’eus le privilège de discuter un moment et qui écrit pour un journal de l’Etat, lorsqu’il s’exclama: «si ce voyage a été financé par la CIA dans un objectif quelconque, sachez que dans mon cas ils auront gaspillé leur argent en vain». J’espère qu’il en sera bien ainsi. Même si j’étais en désaccord avec lui sur certains points, ce qui est légitime s’agissant d’un jeune journaliste révolutionnaire vivant à Cuba. La nuit s’acheva sur un rythme de musique cubaine, le groupe camouflé (??) ayant même invité des chanteurs. Je revins de cette nuit persuadé que notre nouveau défi (notre nouvelle tâche, mission?) devait être axé(e) sur le débat : nous devons inlassablement discuter et dialoguer avec les jeunes cubains, surtout les professionnels de l’information. Etre à l’écoute de leurs inquiétudes, de leurs points de vue, dialoguer avec eux, car la Révolution ne peut s’offrir le luxe de perdre un seul de ses jeunes, beaucoup trop se sont déjà éloignés (égarés?). L’heure est venue de nous regrouper et non de nous laisser diviser. Un collègue de «Junge Welt» me dit à ce propos –je cite- «Je ne sais vraiment pas ce que nous pourrions enseigner à ces jeunes qu’ils ne savent déjà». J’aimerais bien poser la même questions aux organisateurs du «workshop».
traduction Frédérique buhl
source en espagnol :
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